lundi 8 août 2011

Sicko


Une jeune femme debout sur un trottoir, les yeux plisses par le soleil, les bras croises par l’anxiété, décroise soudain ceux-ci afin de héler un taxi.

Après avoir négocier le tarif de la course, elle monte dans le taxi et essaie de se détendre au fur et à mesure que défile le paysage côtier. Elle inhale à pleins poumons cette odeur de mer si particulière et commence à se sentir mieux.

Le téléphone du chauffeur de taxi sonne et celui-ci décroche d’une voix anxieuse. Il demande à son interlocuteur s’il a pu voir la sage-femme en chef, explique qu’on lui a promis qu’a cet hôpital on les aiderait et conclut qu'il n’a toujours pas d’argent.

Il raccroche, agrippe le volant à 2 mains en « 10h10 » et se met à souffler. La passagère, légèrement inquiète, lui demande s’il se sent bien. Il laisse passer quelques secondes de silence avant de répondre d’une voix légèrement efféminée et teintée d’anxiété.
« Ah ma fille ! Dans ce pays, si on n’a pas d’argent, on meurt ! ».

Interloquée, la jeune femme ne sait que répondre lorsque le téléphone du chauffeur sonne à nouveau. Sa voix se fait cette fois – ci suppliante :
« S’il vous plait ! A l’autre hôpital on m’a dit de venir vous voir… que vous nous aideriez ! Si j’avais cet argent, je serais resté à l’hôpital. Vous voyez bien que je suis parti pour aller le chercher en vous laissant ma carte d’identité comme preuve de bonne foi !... Oui, madame je comprends… Oui. Mais je suis prêt à vous donner 2.000 FCFA (3 €) tous les jours jusqu'au solde. Je suis un vieil homme, je ne travaille pas vous savez. J’ai du emprunter le taxi d’un ami pour essayer de me faire un peu d’argent. Ah madame ! S’il vous plait … (silence, hoche la tête). Madame, nous sommes à l’hôpital depuis 2 heures du matin ! La pauvre femme n’en peut plus, ne la faites pas sortir s’il vous plait ! ». Silence. Il raccroche.

La passagère intriguée lui demande alors ce qui se passe.
« Ma femme était enceinte de 4 mois. Hier nuit, elle a fait une fausse couche. A l’hôpital, ils m’ont dit qu’il fallait lui faire un curetage et que ça coûtait 23.000 FCFA (35 €). Je leur ai dit que je ne les avais pas. Ils ont répondu que le prix était vraiment bas par rapport aux soins et aux médicaments qui allait lui être fournit. Je leur ai dit que je comprenais mais que j’allais leur laisser ma carte d’identité et venir payer tous les jours 2.000 FCFA jusqu'au solde. Ils ont refusé et une sage-femme nous a orientés vers un autre hôpital où ils étaient sensé nous aider. Mais on dirait qu’ils veulent faire sortir ma femme de l’hôpital. (Il secoue la tête). Heureusement, elle est avec sa sœur… je ne sais plus quoi faire. »

La jeune femme est submergée de tristesse et de révolte. Elle se sent totalement impuissante face à ce récit.
« Si j’avais eu l’argent, je vous l’aurez donné. » dit-elle sincèrement.
« Se rendent-ils compte du risque mortel qu’ils lui font courir en la laissant sans soins après une fausse couche ? C’est très grave ! » S’énerve t-elle. « Il n’ y a aucun endroit où recevoir des soins gratuits ? Les dispensaires sont gratuits généralement ou ne payent quasiment rien.»
« Malheureusement non parce qu’ils ont besoin d’un bloc donc il faut aller a l’hôpital. »

Le téléphone résonne.
« Hm mm… Hum… » (Silence. Il soupire et baisse la tête). « Dans ce cas, il y a un grand arbre en face de la porte principale ; je finis cette course et je viens vous chercher. » Il soupira encore et dit, plus a lui-même qu’a la passagère, comme pour s’en convaincre et l’accepter : « Ils l’ont sortie. »

Ils restèrent tous les deux muets jusqu'à leur destination. La jeune femme régla sa note et se dirigea vers le restaurant ou elle devait retrouver un de ses amis afin qu’il lui prête une partie de la somme nécessaire aux paiement des soins médicaux de son enfant.



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